Black door with red, Georgia O’Keeffe – 1954

« Tableau Excel & Flou artistique »

Tout commence par un coup de fil. 

Celui d’une de mes anciennes professeures de L’Académie du Coaching. 

Surprise et ravie de recevoir son appel, nous échangeons quelques nouvelles avant d’en venir à « la » question : 

 – Tu serais partante pour être dans le jury de la promo 33… Sur l’épreuve « étude de cas » ?

L’enfant intérieur en moi, qui est globalement un grand oui partant pour tout, s’enthousiasme en quatre secondes. La protection me rappelle à mon agenda et à ma disponibilité. L’ancienne élève, se sent nimbée de reconnaissance, façon glitter scintillant. Et légitimité j’écris ton nom, se met à paniquer sur ma capacité à pouvoir le faire.  
Bien sûr, tata surmoi, déboule blasée : « ils ont dû se faire planter par quelqu’un en lastminute.com, t’emballe pas. »
Et enfin, mon petit gremlins materialiste me rappelle que c’est gratuit. 

– Écoute j’adorerais, mais je dois juste vérifier quelque chose quant à ma disponibilité. Tu me laisse 24h pour revenir vers toi ? 

Elle acquiesce et je raccroche. Temps. 

Le sentiment qui domine c’est : l’envie. De le faire, de participer, de prendre part, d’apprendre, de réviser, de préparer, d’écouter, de voir, d’analyser… D’en être quoi ! Et ayant toujours eu le goût de la transmission, toute expérience qui s’en rapproche de près ou de loin, me semble une bonne idée. 

Le lendemain, après validation emploi du temps-disponibilité et nuit de réflexion (incontournable pour les grands enthousiastes comme moi, qui ont tendance à la surchauffe), je confirme ma participation. 

Dans la foulée, je reçois plusieurs documents de sa part, afin de m’actualiser sur le processus de certification « aujourd’hui ». 

Première réaction face aux multiples petits carré « X blanc sur fond vert » en bas de mail : angoisse-aversion. 

Je fais partie des gens qui fonctionnent en arborescence et qui se mettent à transpirer à la simple vue d’un tableau excel. 

L’éparpillement – meilleur ennemi du tableau excel – se nichant dans l’ombre de ladite arborescence.

Je prends sur moi et j’ouvre chaque document. Alors que je tente péniblement de déchiffrer le contenu de chacun des encarts, tata surmoi  et légitimité j’écris ton nom, s’en donnent à cœur joie, faisant perler la sueur sur mon front. 

Je ne comprends rien – STRICTEMENT RIEN

Rejet, découragement, panique. Je ferme et rouvre plusieurs fois chaque document en soufflant à voix haute : « Non. Non non non, je ne fais pas ça. Non. Non non, c’est non ». Le tango de la résistance dure un moment. Puis… je me calme, je rationnalise, et canalisée, j’affronte. 

Je me pose sur chacun des encarts, avec de ce genre de phrase à l’intérieur :

Présenter le déroulement de la présentation de façon orale et visuelle afin d’apporter structure et cadre au coaché et ainsi créer une ambiance favorable à l’échange en séance.

Prend en compte son auditoire et adapte son intervention aux rythmes et au processus d’apprentissage.

« Adapte son intervention aux rythmes et au processus d’apprentissage ». 
Mais attends, de quel apprentissage on parle là ?!! Il sera en face de nous, nous, les jurés !! « Présenter le déroulement de la présentation ». Rhaa ces répétitions de mots que c’est irritant, que ça rend la lecture confusionnante. « De façon orale et visuelle ». Bah oui, oui, de façon orale, c’est pas un time’s up. Le candidat ne va pas nous mimer son concept.

Je m’agace toute seule. 

Je relis chaque tronçon plusieurs fois. Afin d’en dégager le sens concret. L’aptitude réelle attendue. De traduire, en fait. Avec ce que je sais de l’expérience et de la pratique du coaching. Car il va être question d’évaluer, de mettre une note, de poser un commentaire. 

La compétence est-elle insuffisante (de 1 à 4), conforme (de 5 à 7), maitrisée (de 8 à 10) ou zéro (monologue-retranscription scolaire) ?

Rien que de le voir le zéro sur le tableau excel, je me sens mal à l’aise. 

En fait, il me faut un long temps pour faire le lien entre tout ce contenu et le processus à venir. Et la perspective d’évaluer l’ensemble me tend. Je me sens très à l’étroit dans ses cases, aussi bien du point de vue du candidat que de celui du juré. Quelque chose manque. Fondamentalement. Et le premier mot qui me vient c’est : le vivant. 

L’organique.

Mais tout de suite, aussi, j’entends la formule moqueuse qui commente, « oui, oui, le flou artistique, quoi. » 

(Je n’insiste pas sur la petite musique péjorative et ses différents couplets, cf. arborescence-éparpillement-vivant-organique-flou artistique, tout le monde me semble-t-il, en connait le refrain). 

Alors. Bien sûr, que c’est très – très délicat, cette affaire du coaching.  Et qu’on a vite fait d’être dans l’approximatif, le grand pipeau-charlatanesque option guru. Tout cela sur fond de développement personnel, avec son lot de positivismes lissants et autres formatages, aussi ridicules que bêtes que dangereux. 

Et le but de la certification, c’est bien d’assurer, de garantir, que la personne qui la présentera en devanture d’elle-même sur le marché du travail, sera consistante dans son approche, solide, articulée. Qu’elle aura traversé un véritable itinéraire d’apprentissage. En quatre mots : tout sauf une arnaque.

Et au fond, derrière ce vouloir rendre tout scientifique (et quel meilleur indice de cette volonté, que ces grilles de notation excel qui décomposent en neuf lignes de pré-requis, la partie A3C2 et A2C15, que le jury doit vérifier et noter chacune, pour chaque candidat), il y a une exigence, un souci réel, de démontrer le sérieux et le professionnel d’une approche. 

D’ailleurs nous l’expérimentons tous, rien qu’avec nos lectures ; qu’il est bon de tomber sur un ouvrage expert, parce que fouillé, approfondi, maitrisé, qui nourrit véritablement la pratique, en donnant à penser, à réfléchir, à questionner, à élargir le champ de sa conscience et donc de sa pratique. Et surtout, sur lequel on peut s’appuyer en toute confiance, sachant qu’il est le fruit d’une expertise réelle. 

Mais, aussi, il faut bien reconnaitre que ces protocoles de notation, pour reprendre un mot d’Irvin Yalom dans son livre l’Art de le thérapie, finissent par ressembler « aux menus des restaurants chinois ». 

Quand on les pense, tableau excel et flou artistique, voici deux groupes nominaux à fort potentiel péjoratif qui portent en eux, toute la problématique des métiers d’accompagnement. Du moins, deux de ses extrémités.

Pour préparer l’épreuve je reprends toutes mes fiches concepts (petite crise de sois-parfait, en effet, mais, qui permet à tempérance de se pointer, afin de dépressuriser un peu l’animal : c’est une épreuve parmi quatre autres, calme-toi, vous serez six regards, vous allez travailler main dans la main). 

Toujours est-il, que je les revisite tous, puisque c’est l’objet même de l’épreuve que je vais accompagner, « l’études de cas ». 

À savoir : tirer un petit papier avec un numéro, qui renvoie à un cas, que le candidat va lire. Et à partir de cette petite dizaine de lignes explicatives d’une situation, il va devoir poser un diagnostic, présenter comment il compte opérer, et surtout, quels outils théoriques il envisage de mobiliser

Bien sur chaque cas porte en lui une attente, un concept central que l’on souhaite voir déployé par le candidat. 

L’épreuve dure 35 minutes : 20 minutes de préparation et 15 minutes de passage. 

En faisant ma petite révision, je palpe instantanément le bienfait de se replonger dans les contours définis de chaque concept. Combien c’est régénérant. Parce qu’on absorbe, on s’imbibe, mais tout finit par se diluer. Or, en y revenant, le muscle aussitôt se réactive. Ça dynamise et libère de l’énergie. Ça recadre, tout naturellement. 

Par exemple, au moment où je révise ma fiche sur l’IRC (Intelligence de la Relation en Coaching – combinatoire et stratégie d’alliance élaborée par François Souweine), je réalise que j’ai à peine effleuré la zone 7 (les autres et le problème du coaché) avec une de mes clientes du moment. Or notre dernière séance a fait un peu du sur-place. C’est un coaching centré sur la personne et nous avons bien évidemment été amené à parler de son environnement, et donc de ses zones 4 (le coaché et les autres) et 5 (les autres). Mais me saute aux yeux que je n’ai pas assez exploré la zone 7. Angle mort qui se dévoile et crée aussitôt une percée. Ça peut paraître simplissime, ainsi écrit, pourtant, un élément réactivé par la reprise de conscience de cette zone 7, s’est éclairé comme une clé. 

Remettre des mots simples et exacts sur ce que l’on fait, apporte une clarté et une précision à ce que l’on fait. C’est indiscutable. Un peu comme cette parole d’enfance, de ranger sa chambre pour ranger sa tête. Et en refaisant ce trajet basique, du retour au concept et de sa maitrise, je ressens instantanément la clarté rassurante du tableau excel. Sa bonne odeur de propre. 

En même temps, ce qui me rassure lors du zoom que nous faisons (avec les autres membres du jury pour préparer la certification), c’est que j’ai affaire à des professionnels aux profils très différents, mais je sens bien que nous partageons tous le même « écart » avec ces documents – chacun le manifeste directement ou indirectement, à sa façon. 

La vitalité joyeuse de la directrice de promo qui remet aussi, la nécessité de prendre du plaisir en jeu, apporte un vent frais absolument nécessaire pour oxygéner le parcours à venir, mais aussi ce léger « flottement ». 

JOUR 1. C’est parti ! 

Mélange de trac et d’excitation. Une envie folle d’y aller. Une peur de mal faire. Et l’envie de tout saisir. On n’est pas sorti de l’auberge. Car oui, il y a cette envie de ne passer à côté de rien, pour tenter d’être le plus objective possible, tout en sachant pertinemment que c’est impossible. Mais là encore, tempérance vient apporter de la souplesse ; nous sommes deux jurés pour cette épreuve. Ma partenaire : grande douceur et bienveillance, regard clair et sensibilité, une détente accueillante et colorée.

Le courant passe instantanément entre nous. Bénédiction. 

Les premiers candidats se présentent. 

Tout de suite, l’incapacité à poser chacune des notations dans les dix minutes imparties entre leurs passages. Tant de contenu à processer, beaucoup trop court pour moi cette petite dizaine. 

Or donc, stratégie : être hyper présente à l’épreuve, à la communication inter-et-intracorporelle, mémoriser un maximum en soi l’expérience, puis à chaud prendre toutes les notes, repères nécessaires – les détails les plus saillants de contenu et de processus. Poser tout de même, les évidences de notations s’il y en a, et les notations plus impressionnistes, qui mériteront une repasse de réflexion.

Intense.

Intense, parce que volonté farouche de faire cohabiter les exigences du tableau excel, avec la plénitude de l’expérience organique, sa richesse et sa complexité. Et bien sûr, sa temporalité personnelle avec celle de la certification. 

Tout à coup une « étoile » entre dans la pièce. Me revient instantanément ce que briller veut dire. Humblement, sans tapage. Tout est là, en place, simple, précis, pas lisse, investi d’une présence et d’une singularité authentiques. Elle plie l’affaire et remet au passage les compteurs à zéro.  Réévaluation.

Là, où j’avais du mal à trancher, elle remet à jour une évidence qui permet d’éclairer le regard. Car le souci c’est qu’on ne veut ni, être trop dur, trop sévère, ni, trop mou, trop arrangeant. 

Échange avec ma partenaire de jury : nous sommes exactement au même endroit. Confort de l’évidence. Nous poursuivons. 

Commence un itinéraire qui me rappelle à mon expérience d’assistanat en casting, lorsqu’il s’est agi de construire le pool d’acteurs qui joueraient les personnages principaux d’une nouvelle série télévisée. 

Il y a véritablement un territoire commun à l’acteur est au coach, d’autant plus flagrant sur cette épreuve de l’étude de cas : connaitre son texte sur le bout des doigts (les 20 concepts de coaching) et en maitriser le sens afin de les incarner de façon authentique (en justesse, en clarté, en pertinence et en résonance avec son interlocuteur).  Si on ne connaît pas son texte, on ne peut pas jouer. Si on ne connait pas ses concepts on ne peut pas coacher. Et dans les deux cas, le temps de la scène comme le temps de la séance, sont des plongées dans la posture méta, qui prend appui, précisément, sur cette maitrise. 

Alors bien sûr, j’en ai parlé juste au-dessus, il y a les évidences : quelqu’un qui entre dans la pièce et qui est pleinement prêt, en maturité et en place. 

Mais il y a aussi, des personnalités immédiatement intéressantes, singulières, dont les dons sont évidents – la sensibilité, l’écoute, l’empathie – mais qui n’ont pas assez travaillé, ne sachant pas bien leurs concepts, limitant par cela même leur rayonnement et leur posture. 

Ou au contraire, celles qui bricolent sans la moindre gêne et que l’approximation théorique n’embarrasse pas, n’empêche pas, et qui déploient diagnostic et stratégie dans le mille malgré tout – et donc ça passe, parce qu’il y a une solidité de posture. 

Ou celles qui vous laisse avec un léger voile d’enfume dans la pièce, comme un inconfort qui fait douter.

Ou celles au contraire qui savent tout parfaitement, mais que le contexte de l’épreuve ébranle tant, qu’elles finissent par paniquer, perdre le fil, tout oublier, révélant une posture encore trop fragile.

Et puis aussi, parfois, une proposition toute petite entre dans la pièce, tout petite mais authentique et bien calée, et vous vous rappelez qu’il faut de tout. Et que cette certification est un début de parcours pour chacun et pas une fin. 

Que seule la pratique peut révéler, autant que façonner l’amplitude du geste, sa puissance – comme tout métier d’art. 

D’autant que s’ajoute à cela, le facteur chance, quel cas on tire, quel concept, les incidents, un téléphone qui sonne, quelqu’un qui se trompe de porte… Tous les impromptus qui surgissent, perturbent et viennent « chercher » le candidat dans sa  posture (et le jury aussi d’ailleurs).  

C’est passionnant et complexe.

À la fin de journée, nous repassons au peigne fin avec ma partenaire, toutes nos notes, nos impressions, nos questionnements et nos doutes, sur chacun des candidats et nous échangeons, discutons, comparons, nous interrogeons pendant plus d’une heure. C’est très engageant et stimulant à la fois. 

Le soir venu, une fois rentrée chez moi, je ressens le besoin de tout retraverser. De passer, repasser, et de profiter de la petite distance pour mettre toutes mes notes en perspective. Préciser mon regard, mon senti, mon analyse – les clarifier. Et tenter ainsi, d’arriver aussi sereinement que possible, à une note au plus juste de ce qu’il m’est possible.


JOUR 2. Spécificité du jour : la saturation totale en fin de journée. 

Tout qui danse dans sa tête. La multitude de détails qui submerge et la vision d’ensemble qui se voile. Encore une fois, on ne veut rien perdre, rien oublier de tout ce qui a été traversé. Garder tout en présence pour chaque note que l’on pose sur le papier. On relit encore et encore, le contenu des encarts du tableau excel. On vérifie, re-vérifie. Mais la densité charge la mule et le regard se noie un peu. Car à force de regarder au télé-objectif, on se perd. 

Et c’est donc là, précisément dans ce trop-plein, que la nécessité de se décoller du plan excel se fait sentir. De s’en détacher un peu. De se remettre au centre d’un plan plus large, plus vaste et plus essentiel à la fois : le « flou artistique ». 

Nous y voilà. Le fameux. 

Peut-être est-ce intéressant de rappeler qu’au départ, avant de prendre tournure péjorative, le flou artistique est une technique. Un effet de flou désiré et maitrisé. Qui nous permet d’accéder à un certain niveau d’invisible. 

En photographie, par exemple, on va mieux saisir le mouvement d’un corps. Son intention. Sans le flou, le mouvement ne libère pas forcément sa vibration. Ou, si l’on prend une fleur, sa délicatesse ne s’isolera pas autant, sans le flou du reste en arrière-plan. Ou encore, la magie des lumières de la ville la nuit. C’est grâce au flou artistique, quand chaque source de lumière est cristallisée en un petit rond de couleur, ambre, rouge, vert, turquoise, et que tous ces halos dansent ensemble sur la toile sombre de la nuit, que nous parvient le charme mystérieux d’une ambiance nocturne. Tout ce à quoi elle nous prédispose. 

Un flair de lumière ici, la transparence d’un pétale là, la beauté d’un motif qui se répète…  Si vous observez, ces photographies qui font l’usage du flou artistique et que vous aimez – qui vous touchent – toujours, quelque chose se dévoile, à la frontière-contact du visible et de l’invisible. Et c’est pour celui qui regarde, comme une ouverture, une onde plus ténue à laquelle accéder. Une connexion à un niveau supérieur de conscience. 

Or on parle bien de la subtilité de l’écoute flottante en coaching, afin de ne pas se noyer dans le torrent de détails du contenu et de ne pas perdre de vue le processus et le sens. 

Et bien dans ce flou artistique, c’est précisément de cela qu’il s’agit : accéder à l’invisibilité du processus et du sens. 

JOUR 3. Dernier jour.

Quelques candidats passent le matin et on les sent plus détendus, c’est leur dernière épreuve. 

Et après la pause déjeuner, c’est le temps pour le jury de se poser et de délibérer ensemble. 

Je ressens à ce moment-là, que tout l’enjeu est bel et bien d’avoir harmonisé tableau excel et flou artistique, de façon à poser un regard le plus impeccable possible sur chaque candidat. Mais donc aussi le plus ouvert. Le moins définitif. Et le plus au présent. Car la certification est un moment clé, certes, mais qu’un moment. Ce que chacun sera, ne serait-ce que dans un an, nul ne sait.

Nous y passons toute l’après-midi.

Ce qui est frappant, c’est de constater l’homogénéité des retours, à part pour quelques cas qui se sont « plantés » sur une épreuve ou une autre. Nos retours résonnent. S’échoïsent. Et c’est très rassurant. 

Bien sûr, il faut être vigilant à ne pas s’harmoniser facticement, de façon à préserver la réalité de l’expérience vécue à son poste. Ne pas adhérer par confort ou sécurité, ne pas résister par rigidité. 

Ces heures de délibération se terminent sur un moment quasi paroxystique pour ma part, où je suis tellement à fond, partie d’un tout, en équipe, que oui, mais oui, ce serait vraiment passionnant de créer un groupe d’étude et réfléchir ensemble à comment peaufiner, améliorer, réfléchir ces protocoles de certification, les différentes épreuves, les intitulés, les cadres, accompagner les jurés des prochaines certif’, oui, oui, on pourrait par exemple…

Et puis d’un coup, c’est fini. C’est passé. Ça a eu lieu. On est assis dans le métro et on rentre chacun chez soi. 

Et c’est l’immense relâchement, la redescente énergétique. On lâche tout, complètement. On a fait sa part, du mieux qu’on a pu. Son maximum à soi. 

Et on est vidé autant que plein. 

Ce qui me reste aujourd’hui, trois mois après ces quelques jours de certification, c’est combien le coaching est un métier d’art. 

Or donc, qu’il est absolument incontournable d’en maitriser la base théorique – ses 20 concepts fondamentaux – sur le bout de ses doigts, et d’y revenir régulièrement se remettre au précis. Mais qu’aussi, ce qu’un tableau excel ne pourra jamais cultiver, c’est cette multitude de vibrations, de palpitations de pulsations immédiatement perçues par le corps. Avec tout ce qu’elles charrient d’intentions, de motivations et d’émotions. 

Cette consistance de l’autre (et de soi) que seule la prise de risque de l’engagement physique permet de ressentir. 

Cette écoute fine. Ces tressaillements*. 

Et qu’en somme, un peu à la façon de la médecine intégrative, qui cherche à faire s’allier ensemble, les médecines conventionnelles et non-conventionnelles. Il me semble que l’extrême définition du tableau excel et l’hypersensibilité du flou artistique sont les deux extrémités du même long bâton souple et courbé, sur lequel nous pouvons prendre appui, à la façon des funambules sur leur fil, pour garder l’équilibre.

*L’Aventure du corps de Fabienne Martin-Juchat aux Presses Universitaires de Grenoble.

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A.

Atelier de réparation

L’Atelier Contemporain – Fancis Ponge

©Aurélie Valat

« Tandis qu’en ceux que nous évoquions tout à l’heure
s’observait une animation méthodique, des plus régulièrement répartie,
comme si (chaque cellule tournant certes très vite, à la façon d’une turbine ou d’un moteur) l’ensemble (y compris les hommes employés à l’intérieur) donnait l’idée mettons d’une grande plaie où brûlure superficielle en train merveilleusement de se cicatriser (ainsi quelque centrale électrique ou atelier de métallurgie), c’est tout autre chose qu’évoque, dans ceux dont nous parlons maintenant,
l’activité spasmodique, parfois accélérée, souvent ralentie,
le comportement et la figure même de l’être que nous y observons.
Voyez ces yeux, leur expression muette, ces gestes lents
et ces précautions ; et cet empêtrement ; et parfois même, cette immobilité pathétique des nymphes.
Ah ! pour nous expliquer au plus vite, disons qu’il s’agit ici,
sur le corps de certains bâtiments, comme parfois sur la branche d’un arbre ou sur la feuille du mûrier, d’une sorte de nid d’insectes, – d’une sorte de cocons.
Et donc, bien sûr encore, d’un local ou d’un bocal organique, mais construit par l’individu lui-même pour s’y enclore longuement,
sans cesser d’y bénéficier pour autant, par transparence,
de la lumière du jour.
Et à quelle activité s’y livre-t-il donc ?
Eh bien, tout simplement (et tout tragiquement), à sa métamorphose. »

É.

Émotion

Ce qui nous meut.

Aussi évident que cela puisse sembler, nous ne sommes pas égaux face à nos émotions. Que ce soit du point de vue de leur nature, que de leur manifestation.

Elles sont l’émanation directe de notre singularité

Notre expérience manifeste de l’autre, du monde et de nous-mêmes. 

Et tels des récits – des énigmes à percer – nos émotions portent en elles notre histoire.

Il est habituel de considérer qu’il y a six émotions fondamentales : la peur, la joie, le dégoût, la tristesse, la colère et la surprise. 
Et qu’après, viennent des émotions plus complexes : la honte, l’envie, l’amour, l’empathie…
D’ailleurs, à l’heure actuelle, il n’existe aucune preuve empirique de l’existence d’un nombre limite d’émotions biologiquement déterminées

Quand on cherche l’étymologie de ce mot dans différents dictionnaires, on tombe sur la racine latine emovere : mettre en mouvement. 
Et motio : mouvement, trouble, frisson (de fièvre).
Viennent ensuite, les notions de bouleversement, secousse, saisissement. Vécues simultanément au niveau du corps et au niveau affectif. 
Avec des réactions qui peuvent aller de l’extase esthétique ou spirituelle – quand mystère et beauté du monde nous touchent – à la paralysie ou autres manifestations plus explosives. 

En somme : ce sont des visiteuses qui nous mettent en mouvement. 

Car nous ne sommes pas l’émotion ressentie, elle nous traverse, c’est tout. 

Dès lors, retrouver une forme d’hospitalité et de bienveillante curiosité face à leurs surgissements, semble une voie enrichissante à explorer. (Pas de façon systématique, bien sûr – de temps à autre, quand « un.e invité.e de choix » frappe à notre porte.)

Car aussitôt, nous refaisons une expérience intéressante : celle de la distance. 

La distance qui nous sépare de toute chose, de l’autre, du vivant. 
Et donc de cet espace – ce lieu – qu’il y a « entre » l’autre et moi, qui à la fois me relie à lui et me différencie de lui.
Or qui dit espace, dit temps. Et même, tempo. 
Notre tempo personnel – notre façon d’investir un espace à notre rythme. 
Notre autonomie, d’une certaine façon. 

Et c’est alors, que nos ressources peuvent se mobiliser, notre potentiel créatif s’activer : nous nous réapproprions notre aptitude à nous ajuster, à trouver des solutions, des idées… L’émotion n’est plus cette chose envahissante ou dérangeante, que l’on souhaite chasser, masquer. 
Ainsi accueillie, observée et remise à sa juste distance, l’émotion nous offre une ouverture et devient générateur d’énergie.

Telle une intime étrangère que nous aurions accueillie à notre table, prenant le temps d’écouter le récit de son voyage, « l’émotion » viendrait éclairer notre perception, l’enrichissant d’autres dimensions

Un peu comme ces rayons lumineux qui font vibrer la surface de l’eau et donnent aux mouvements de l’onde leur fascinante complexité.

Sources : 
L’émotion – Contribution à l’étude psychodynamique du développement de la pensée de l’enfant sans langage en interaction – Philippe ClaudonMargot Weber – Dans Devenir 2009/1 (Vol. 21), pages 61 à 99 // Petit Larousse, Le Robert, Littré, cnrtl.
Crédit Photo : Aurélie Valat